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Droit du travail et de la sécurité sociale

04.12.2025

Le remplacement d’un travailleur par l’IA : points d’attention en cas de licenciements


 

L’introduction de l’intelligence artificielle (IA) au sein des entreprises bouleverse profondément l’organisation du travail et les modes de production. Si ces innovations technologiques offrent des gains d’efficacité considérables, elles soulèvent également des questions juridiques sensibles, notamment lorsqu’elles conduisent au remplacement de certain-e-s travailleur-euse-s.

 

La CCT n° 39 : une obligation préalable d’information et de concertation

La Convention collective de travail n° 39 du 13 décembre 1983 encadre spécifiquement les conséquences sociales liées à l’introduction de nouvelles technologies. Elle s’applique à tout employeur ou toute employeuse occupant plus de 50 travailleur-euse-s.

 

Les obligations de l’employeur-euse

 

Au regard de cette convention, au plus tard trois mois avant la mise en œuvre de la nouvelle technologie, l’employeur-euse doit :

  • Informer par écrit les représentant-e-s des travailleur-euse-s sur :
    • la nature de la nouvelle technologie ;
    • les raisons de son introduction ;
    • les répercussions sociales envisagées.
  • Organiser une concertation avec ces représentant·e·s pour discuter de ces impacts et des mesures d’accompagnement éventuelles.

 

Les conséquences en cas de non-respect

 

Le non-respect de cette procédure prive l’employeur-euse du droit de mettre fin unilatéralement aux contrats pour des motifs liés à cette technologie.

Si l’employeur-euse procède malgré tout à un licenciement sans avoir respecté la procédure d’information et de consultation, iel devra verser au-à la travailleur-euse concerné-e une indemnité forfaitaire équivalente à trois mois de rémunération brute.

 

Le licenciement manifestement déraisonnable

 

Dans le cadre du licenciement d’un-e travailleur-euse en vue de le-la remplacer par un système d’IA, et indépendamment de l’application de la CCT n° 39, l’employeur-euse peut être condamné-e à payer une indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable.

Cette indemnité varie de 3 à 17 semaines de rémunération et peut s’ajouter à l’indemnité de préavis due au-à la travailleur-euse.

Un licenciement est qualifié de manifestement déraisonnable lorsque :

  • il repose sur des motifs sans lien avec l’aptitude ou la conduite du-de la travailleur-euse ;
  • ou qu’il ne répond pas aux nécessités du fonctionnement de l’entreprise ;
  • et qu’un-e employeur-euse normalement prudent-e et raisonnable n’aurait pas pris une telle décision.

 

Le remplacement d’un-e travailleur-euse par l’IA : un motif valable ?

 

Oui, à certaines conditions.

En pratique, il reviendra à l’employeur-euse de démontrer que le licenciement répond à des « nécessités de fonctionnement » de son entreprise.

Il s’agit d’une question factuelle. Notons toutefois que la jurisprudence admet que la numérisation ou l’automatisation, y compris via des solutions d’IA, peut rendre certaines fonctions superflues, sans que cela constitue en soi un licenciement manifestement déraisonnable.

 

Conclusion : un encadrement juridique incontournable

L’intégration de l’intelligence artificielle au sein des entreprises ne peut s’envisager qu’en respectant strictement les obligations légales d’information, de concertation et de motivation.

Le remplacement d’un·e travailleur·euse par l’IA n’est juridiquement sécurisable que s’il repose sur une réorganisation réelle, objectivée et correctement documentée. À défaut, l’employeur-euse s’expose à des risques significatifs de contestation et de sanctions.

 

Cet article a été publié en collaboration avec BECI Remplacement d’un travailleur par l’IA : cadre juridique | Beci

Vincent Marcelle Zazie Pirotte Partager sur LinkedIn